GARZON : CHERCHER la vérité est punissable ! 
mardi 21 février 2012, 05:24 PM
GARZON : CHERCHER la vérité est punissable !

Le juge espagnol Baltasar Garzón , titulaire de la 5e Salle de la Audiencia Nacional espagnole (l'équivalent d'une Cour suprême), est trop actif dans la recherche de la vérité et la justice. Connu pour s'être attaqué à la corruption sous tous les gouvernements, à l'ETA, aux escadrons de la mort (GAL) du gouvernement socialiste de Felipe González, aux dictateurs latino-américains, au terrorisme, on en passe, il a fait avancer le droit international comme peu avant lui. Il a eu le soutien de ses pairs dans presque toutes les procédures. Pourtant, ce juge de 56 ans vient d'être condamné à une interdiction professionnelle de 11ans ce qui met pratiquement fin à sa carrière judiciaire. Quels crimes a-t-il commis ?
Il s'est attaqué à des proches du Parti Populaire de l'actuel chef du gouvernement espagnol et surtout, il a enfreint un tabou.

La campagne contre Garzón est basée sur trois accusations :
1- Avoir reçu de l'argent pour avoir donné des cours aux Etats-Unis en 2005 et ensuite archiver une plainte contre le président de la banque Santander qui les avait payés ;
2- Avoir mis sur écoute des avocats lors de leurs réunions avec leurs clients en prison (Cas Gürtel) ;
3- Le tabou : il s'est déclaré compétent pour instruire un dossier sur la répression durant la dictature de Franco et ordonné la recherche des fosses communes. Il n'aurait ainsi pas respecté la loi d'amnistie de 1977.

Garzón peut faire condamner des dictateurs comme Pinochet ou des assassins comme l'Argentin Scillingo, mais lorsqu'il a tenté de se tourner vers le passé de son propre pays, les forces de l'ombre, toujours très présentes dans les hautes sphères, ont tout mis en oeuvre pour le faire tomber, et elles ont réussi…

Reprenons ces accusations.
1- Avoir reçu de l'argent pour des cours. L'Audience Nationale a déclaré que la plainte avait été déposée en dehors des délais de prescription et fermé le dossier.

2- Avoir mis sur écoutes des avocats lors de visites à leurs clients en prison.
Il s'agit d'une affaire de corruption touchant le Parti Populaire (PP) et des proches de son chef, Mariano Rajoy, depuis peu au pouvoir en Espagne. Deux hommes d'affaires, proches du PP, Francisco Correa et Pablo Crespo sont accusés de corruption et emprisonnés. La police est convaincue qu'ils continuent à diriger leur structure depuis la prison, avec l'aide de leurs avocats. La police croit savoir qu'ils vont blanchir 20 millions d'euros déposés dans des paradis fiscaux .Cet argent avait été acquis de manière illicite au cours de contrats irréguliers obtenus de la part de responsables du PP en échange d'argent. Pour la police, le seul moyen de savoir ce qu'il se passe est de mettre les deux hommes sur écoute. Le juge Garzón accepte leur demande.
Les avocats l'accusent de les avoir mis sur écoute pour chercher à connaître leur stratégie de défense de leurs clients et de violer ainsi le droit à la confidentialité entre avocats et leurs clients. Garzón et la police affirment chercher seulement à savoir où est l'argent et ce que les prisonniers comptent en faire.
Le juge est écarté du dossier en attendant une enquête sur cette situation. Son successeur, le juge Antonio Pedreira, estime lui aussi que la mise sur écoute est nécessaire et prolonge la mesure. Il ne sera jamais inquiété… Les procureurs anti-corruption, qui avaient accepté la mise sur écoute, non plus. Seul Garzón….
Bien que le procureur du ministère public n'ait porté aucune accusation contre Garzón, le 10 février 2012, l'Audiencia nacional met le juge définitivement sur la touche en lui interdisant l'exercice de son métier pendant 11 ans…

3- Procédure sur les disparus du franquisme
En décembre 2006, un groupe de familles de victimes de la répression durant la dictature franquiste présente devant l'Audience Nationale une plainte pour assassinats et disparitions. Le dossier tombe par hasard sur le juge Garzón. En 2008, il se déclare compétent pour instruire une enquête sur la disparition de 114 000 personnes et donne l'ordre de rechercher les fosses communes.
Il est immédiatement attaqué en justice pour « avoir intentionnellement ignoré la Loi d'amnistie de 1977 ». Cette loi est un véritable Pacte de silence entre les partis politiques de l'époque et les chefs du franquisme pour que ces derniers ne bloquent pas la transition démocratique tout en gardant leurs privilèges.
Garzón justifie l'ouverture d'une instruction en se basant sur la Constitution espagnole de 1978 qui dicte que les lois du droit international prévalent sur les lois nationales. Or l'Espagne a ratifié plusieurs traités internationaux sur la torture et les disparitions, considérées comme des crimes contre l'humanité. Puisque les disparitions sont des crimes contre l'humanité, le droit lui permet d'ouvrir une procédure. D'ailleurs les NU ont plusieurs fois demandé à l'Espagne d'annuler cette loi, en vain.

L'accusation contre le juge a été déposée par 3 organisations d'extrême droite : Libertad e Identidad, La Phalange et Manos Limpias (Mains propres) dont le responsable est l'avocat Miguel Bernad, récemment décoré Chevalier d'Honneur de la Fondation Francisco Franco. Bernad a aussi fondé le Parti Front national (extrême droite).
Comme la participation de la Phalange aurait montré de façon trop évidente qu'il s'agissait bien d'un procès politique, le juge Varela, qui mène l’enquête contre Garzón, refuse d'abord l'acte d'accusation pour qu'elle se retire, puis il montre à Bernad comment rédiger son accusation. La demande par Garzón de mise à l’écart du juge vu son manque d’impartialité, est rejetée par l’Audience Nationale !
Garzón dit qu'il n'a rien fait d'autre que ce qu'il avait fait dans le cas Pinochet au cours duquel il avait reçu le soutien de l'Audience nationale et des juges qui aujourd'hui veulent sa peau…

A suivre…



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