Le blog de Jac Forton sur l'Amérique latine
Pourquoi le procès a-t-il été reporté à 2010 ? 
mercredi 1 décembre 2010, 11:59 AM
Pourquoi le procès a-t-il été reporté à 2010 ?
Quelques jours de cette date, coup de théâtre, le parquet de Paris émet un communiqué : « La cour d’assises de Paris, saisie des poursuites contre dix sept chiliens accusés d’arrestation et de séquestration avec actes de tortures et de barbarie sur les personnes de quatre ressortissants français, entre 1973 et 1975, au Chili et en Argentine, devait siéger du 19 au 23 mai prochains. Compte tenu des difficultés liées aux contraintes de citations à l’étranger et afin de permettre aux débats de se dérouler dans les meilleures conditions, le parquet général, après en avoir informé les parties civiles, a demandé au président de la cour d’assises d’ordonner le renvoi du procès à une date ultérieure… »

On pense tout de suite à des pressions « venues d’en haut », des raisons d’Etat qui feraient que ce procès ne puisse pas avoir lieu. La réalité est plus prosaïque, presque pathétique pour la justice française. Il s’agirait tout simplement d’une mauvaise évaluation du temps nécessaire à organiser un tel procès.
Les organisations parties civiles au procès ont pris la décision de faire de ce procès, au-delà de celui des tortionnaires et assassins des quatre victimes françaises, celui de la dictature chilienne et celui de toutes les dictatures. Pour cela, en plus des témoins directs liés aux quatre victimes, elles ont invité des « grands témoins », des personnalités chiliennes qui mettront les circonstances de ces drames en contexte de l’époque. Ces témoins, anciens prisonniers et personnalités sont dispersés de par le monde et pour arriver à les faire converger sur Paris la même semaine demandait de s’y prendre longtemps à l’avance.
Un autre problème consistait en la citation des personnes mises en examen et l’information à donner aux autorités chiliennes. En l’absence d’un traité bilatéral spécifique sur l’extradition entre la France et le Chili, la procédure à suivre pour que les courriers arrivent à destination est longue et sinueuse : après le filtre judiciaire français, le dossier est envoyé au ministère de la Justice qui l’envoie au ministère des Affaires étrangères qui le transmet à l’ambassade de France au Chili qui le remet au ministère des Relation extérieures chilien qui le passe au ministère de la Justice qui le remet finalement au juge qui doit statuer sur les extraditions. Tout dossier lié au procès doit suivre la même procédure.
Dès lors, le délai entre l’annonce de l’ouverture du procès et la réalisation des citations à témoigner de la justice française était trop court. Les avocats des familles avaient recommandé une période d’au moins six mois mais le ministère français estimait que trois mois étaient suffisants. Ils ne le furent pas. Il y avait alors un grave dilemme : le procès pouvait avoir lieu dans les dates annoncées (du 19 au 23 mai), mais il manquerait de nombreux témoins et toutes les réponses attendues du Chili ne seraient pas arrivées, ou il était tout simplement reporté.
Le parquet de Paris, désireux d’obtenir un procès irréprochable sur la forme, a décidé de le reporter à une date ultérieure non spécifiée, qui pourrait mener au début de l’année 2009, sur les considérations suivantes :
— Vu son importance internationale, le procès doit donner toutes les garanties de procès équitable à toutes les parties.
— Il ne faut pas que les militaires et la droite pinochétiste puisse décrier le procès sous prétexte que les garanties fondamentales d’équité n’ont pas été remplies par la justice française.
— Le parquet souhaitant mettre le sort des quatre victimes dans le contexte de la dictature militaire, il est important que les ‘grands témoins’ puissent tous venir expliquer ce contexte aux juges.
— Ce procès doit être exemplaire du point de vue du droit, et doit être vu comme tel.
En effet, si une personne est jugée sans avoir été convoquée, elle peut contester ce jugement et « former opposition ». Le jugement est alors déclaré nul et non avenu. Les militaires chiliens auraient beau jeu de dénoncer un procès injuste. Par contre, on se rappelle que l’article 487 du code pénal français stipule que « toute personne régulièrement citée qui ne comparaît pas au jour et à l'heure fixés par la citation est jugée par défaut ». Il faut donc que les citations soient réalisées conformément à la loi.
Mais le prix à payer est lourd pour les familles. Après 35 ans d’attente et de luttes interminables, alors qu’un procès est enfin à portée de la main, voilà qu’il est repoussé à une date non définie…
Pour Sophie Thonon, avocate d’une des familles, et Claude Katz, président de la FIDH, « Il est clair qu’il n’y a pas eu ici de décision ou de manœuvre politique. Il ne faut pas que les militaires chiliens puissent dire qu’ils n’ont pas bénéficié d’un procès juste » (Lors d’une réunion d’information à l’hémicycle de la Région Ile-de-France à Paris le 19 mai 2008)..

Finalement, en mai 2010, les nouvelles dates du procès sont annoncées :
du 8 au 17 décembre 2010.


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