Le blog de Jac Forton sur l'Amérique latine
CARABINIERS ACCUSES du meurtre de 19 prisonniers à Laja/San Rosendo 
vendredi 20 janvier 2012, 03:25 PM
LES 19 EXECUTES DE LAJA et SAN ROSENDO

Le 14 juin 2011, le caporal des Carabiniers (police en uniforme au Chili) Samuel Vidal Riquelme avoue les crimes à la police judiciaire : « Quand le lieutenant Alberto Fernández Michell a donné l’ordre, nous avons tous tiré sur les prisonniers. On leur a tiré dans le dos. On a creusé une tranchée dans le sable, on y a jeté les corps, on les a recouvert et on est parti. Michell nous a ordonné de garder le silence sous peine de mort. Quand les gens nous demandaient où étaient les prisonniers, on s’était mis d’accord pour leur dire qu’on les avait remis au Régiment militaire de Los Angeles… »
Les victimes étaient des partisans de l’Unité Populaire de Salvador Allende des villes de San Rosendo et Laja séparées par le fleuve Laja, à 80 km au sud-est de Concepción, elle-même à 500 km au sud de Santiago. Quatorze victimes travaillaient pour la Manufacture des Papiers et Cartons (CMPC) , propriété de la famille Eliodoro Matte Ossa , en conflit avec l’Unité Populaire qui voulait les exproprier.
Au moment du coup d’Etat, le chef du commissariat de police de Laja est le lieutenant Alberto Fernández Michell,qui reçoit l’ordre d’arrêter toutes les autorités de l’UP, ce qu’il fait immédiatement et les envoie au Régiment militaire de Los Angeles à 50 km de là. Puis il reçoit l’ordre du commissaire Aroldo Solari Sanhueza , chef de la police de Los Angeles, d’arrêter tous les sympathisants de l’UP de Laja et San Rosendo.
C’est l’heure de la vengeance : deux cadres de la CMPC ( Carlos Ferrer et Humberto Garrido ) préparent une liste noire de syndicalistes et de partisans de l’UP, et la remettent à Michell.
Le 15 septembre, avec l’aide de véhicules appartenant à la CMPC, les carabiniers arrêtent 15 travailleurs, trois étudiants du secondaire et deux professeurs. Ils sont emmenés au commissariat de Laja et torturés. Le major Solari fait comprendre à Michell que les prisonniers doivent être « éliminés ». La CMPC fournit alors aux policiers un bus, une jeep et une grande quantité de bouteilles de pisco (alcool de raisin). Le 18 septembre au soir, Michell forme une équipe de 17 policiers qui vident de nombreuses bouteilles, rassemblent les prisonniers, leur lient les mains et les font monter dans le bus. Dans la jeep, Michell, le sergent Evaristo Garcés et un colon d’origine allemande, Peter Wilkens pour les guider vers un endroit « adéquat » pour l’exécution sur la route de Los Angeles (1). Peu après le Pont Perales, Wilkens oriente les véhicules vers une piste forestière qui aboutit à une petite clairière. C’est le massacre à la lumière des phares dans la nuit décrit par le caporal Vidal ci-dessus.

Aux familles qui exigent de savoir où se trouvent leurs parents, les policiers répondent qu’ils les ont remis au régiment militaire de Los Angeles. Lorsque le régiment dément fermement, les policiers changent légèrement leur déclaration : ils auraient en fait remis les prisonniers à « une patrouille militaire volante » dont personne ne sait d’où elle vient.
Quelques semaines plus tard, un agriculteur raconte aux policiers du bourg de Yumbel que ses chiens trouvent des restes humains. Les corps sont secrètement transférés au cimetière de Yumbel mais il faut attendre six ans pour qu’on le sache. Ils sont alors remis aux familles.
Une instruction est ouverte par le juge Martínez Gaensly qui est obligé de transmettre le dossier à la justice militaire qui, bien sûr, prononce un non-lieu ratifié par la Cour suprême en 1981.

En 2011, l’Association des familles des exécutés politiques (AFEP) demande la ré-ouverture du dossier. La Cour d’appel de Concepción remet l’instruction dans les mains du juge Carlos Aldana . Suite aux aveux du caporal Vidal, il met les 14 policiers survivants en examen. En ce moment, ils sont tous libres moyennant caution. La CMPC n’est même pas égratignée…(2)
L’instruction suit son cours… (3)

Notes
(1) Wilkens sera assassiné en 1985 par Arturo Arriagada et enterré à quelques mètres de l’endroit où les 19 avaient été assassinés 12 ans plus tôt, un clair geste de vengeance…
(2)La Compañia Manufacturera de Papeles y Cartones est devenue une des plus importantes entreprises du sud Chili, productrice de cellulose. Elle est actuellement en cause pour de vastes incendies de forêt dans la région pour lesquels le gouvernement a accusé des groupes mapuches mais que tout porte à croire qu’ils sont accidentels, certaines personnes accusant même la CMPC d’auto-attentat pour se débarrasser des Mapuche et toucher l’assurance !.
(3) Le détail de cette affaire peut être lu sur le site CIPER (Centro de Investigaciones Periodisticas) sur http://ciperchile.cl


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