Le blog de Jac Forton sur l'Amérique latine
Pourquoi il faut lutter contre l'oubli et l'impunité 
mercredi 1 décembre 2010, 12:11 PM
Pourquoi il faut lutter contre l’oubli et l'impunité

Pour Louis Joinet [Rapporteur de la Sous-Commission des droits de l’homme des Nations unies relative aux questions d’impunité des auteurs des violations systématiques des droits humains civils et politiques], la lutte contre l’impunité se base sur quatre principes fondamentaux.
Le droit à la vérité sur le sort des victimes et sur l’histoire de son pays est un droit pour les citoyens et un devoir de mémoire pour l’Etat. Le droit international fait obligation aux Etats qui ont ratifié les textes protecteurs des droits humains d’enquêter sur la violation de ces droits.
Le droit à la justice : toute victime doit avoir la possibilité de faire valoir son droit à un recours équitable et efficace, qui mène à une sanction juridique de son oppresseur. Un procès même symbolique permet aux victimes d’être reconnues en tant que telles et de rendre inacceptable le sentiment et la volonté d’impunité des bourreaux. Si l’oppresseur est malade ou vieux, on pourrait dire que la sanction est moins importante en soi que la symbolique du procès. Dans le cas Pinochet, il importait peu que le vieillard Pinochet, 93 ans, fasse de la prison ou pas. Il importait grandement que le dictateur Pinochet fut jugé et condamné pour les crimes contre l’humanité commis par son régime.
Un devoir de réparation envers les victimes et leurs familles est inclus dans de nombreux textes internationaux ou régionaux. La réparation doit consister en une pleine restitution des droits à la situation antérieure, une réparation par rapport aux conséquences et une indemnisation des dommages y compris le préjudice moral.
La reconstruction de l’Etat de droit : l’expérience mondiale de l’impunité montre qu’elle rend impossible la (re)construction d’un Etat de droit vraiment démocratique et suppose un recul juridique de l’Etat de droit. La grande leçon est que dorénavant, les dictateurs militaires ou civils et leurs agents pourront vraiment être traduits en justice pour des crimes contre l’humanité, où que ce soit dans le monde, et qu’ils le savent.

La réconciliation
A ceux qui seraient tentés de considérer que des principes de justice pourraient constituer une entrave à la réconciliation nationale et que la réconciliation serait mise en danger par la justice, Louis Joinet répond : « ces principes ne constituent pas des normes juridiques strictu sensu mais des principes directeurs destinés, non à tenir en échec la réconciliation, mais à endiguer les dérives de certaines politiques de réconciliation afin que, passée la première étape faîte de conciliations plutôt que de réconciliation, l’on puisse construire le socle d’une réconciliation juste et durable. Pour pouvoir tourner la page, encore faut-il l’avoir lue ! La lutte contre l’impunité n’est pas qu’une question juridique et politique ; sa dimension éthique est trop souvent oubliée» [Dans le Rapport final sur l’Administration de la Justice et les droits des détenus, question de l’impunité des auteurs des violations des droits civils et politiques, rapport n° 1996/119 de la Sous-Commission des Droits de l’Homme, publié le 2 octobre 1997, document E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1 des Nations unies. Document diffusé par l’Equipe Nizkor-Espagne.]
En effet, au nom de la réconciliation, c’est trop souvent aux victimes de montrer de la bonne volonté. N’oublions pas que, au Chili, la droite politique actuelle dont la très grande majorité des membres a été fermement pinochétiste durant la dictature, n’a jamais reconnu les violations aux droits humains, les justifie ou fait semblant de croire que ce furent des excès.
Des pinochétistes notoires ont été nommés à des postes administratifs importants par le président Sebastián Piñera en 2009 et 2010…

La lutte contre l'impunité et l'oubli doit continuer.

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