Le blog de Jac Forton sur l'Amérique latine
Session du vendredi 10 décembre 2010 
samedi 11 décembre 2010, 12:04 AM
SESSION DU VENDREDI 10 DECEMBRE 2010

Deux anniversaires :
- Jour international des droits humains.
- 4e anniversaire de la mort de Pinochet qui a ainsi échappé au jugement…

Aujourd’hui, examen du dossier JORGE KLEIN .
Le Président du tribunal relate l’histoire de Klein. Né de Rodolfo Klein et Lote Pipper, Autrichiens réfugiés du nazisme en France. Emigrent au Chili en 1953. Excellent élève. Klein devient médecin. Il disparaît le 11 septembre du Régiment Tacna.
Ci-dessous, un résumé des dépositions des témoins appelés à la barre par les parties civiles et en vertu des pouvoirs discrétionnaires du Président.

Témoignage d’Isabelle Ropert

- Henri Ropert, mon frère, 20 ans, faisait partie du Secrétariat d’information sur l’opinion publique. Ma mère était secrétaire personnelle d’Allende. Le 11, ma mère parvient à entrer au Palais de La Moneda mais Henri est capturé. On a retrouvé son corps dans le fleuve Mapocho puis à la morgue avec une vingtaine de balles dans la tête et le corps. Toute ma famille a été torturée.
- Je suis partie en Suède, Mes fils de 9 mois et 13 ans ne pouvaient pas entrer au Chili car considérés comme des « dangers pour la sécurité intérieure »… Après, en France, à Cuba et en Argentine. En 1987, je peux rentrer au Chili.
- On ne peut former notre deuil. Nous avons recours à la justice française pour qu’elle rende justice à ses citoyens. Nous n’avons plus d’autre possibilité. Je plaide aussi pour mon frère Henri. Notre plainte n’a pas été acceptée par le juge français car, comme on a retrouvé le corps de mon frère, la prescription a joué… Nous sommes arrivées trop tard.
- Il y avait deux médecins en plus de Jorge Klein, dans le groupe de prisonniers de La Moneda : Eduardo ‘Coco’ Paredes, directeur de Investigaciones, la police civile, et Enrique Paris, ami d’Allende, toujours présent à La Moneda.
- Le père de Klein a écrit au président Pompidou sans réponse.
- Il y a une semaine, Brady Roche s’est procuré un certificat déclarant qu’il était mentalement inapte à participer à un procès, ce qui lui permet de ne pas se présenter…

Sur des questions de Me Bourdon :
- Klein était analyste du CENOP, Centre d’infos sur l’opinion publique où il travaillait avec Beatriz, fille du Président, un groupe de sa confiance
(le témoin décrit la journée du 11 septembre).
Nous voulions changer les choses. Nous savions que l’Armée ne s’intègrerait jamais aux changements sociaux (avec des exceptions, comme dans la Marine où de nombreux cadets et sous-officiers se sont opposés au coup d’Etat et ont été torturés et tués).
On a dû se cacher, répression était partout, des cadavres partout… Il y avait le couvre-feu.
- La perception de ce procès au Chili m’épouvante. Il n’y a ni TV ni journaux ni presse chiliens. La presse, presque toute de droite, s’autocensure. Hier soir, j’ai appelé les canaux de TV. Ils voulaient des images-chocs. Je leur ai montré l’importance de ce procès qui sera filmé, où ailleurs un tel procès a-t-il lieu ? Le Chili ne veut pas savoir, il y a eu 17 ans de silence en dictature souvent brisé par des revues d’opposition. Aujourd’hui, elles n’existent plus, le silence est affreux…
- Divers témoignages disent que Pinochet aurait assisté à des tortures. C’est très possible. Elimination rapide des témoins de sa traitrise ? Je ne sais pas. Mais l’île-prison de Dawson en Patagonie était prête avant le coup. Ils savaient qui était qui et où se trouvaient toutes les archives.
ILS ONT FAIT DISPARAITRE DES GENS. AUJOURD’HUI, ILS VEULENT FAIRE DISPARAITRE LEUR MEMOIRE…

En réponse à Me Katz :
Exil en France. Importante aide de l’Etat et des ONG.

En réponse à M. l’Avocat général :
Il n’y a eu aucune procédure légale contre mon frère avant son exécution. J’ai déposé une plainte en 1987. Une tante et un cousin ont vu le corps, il y avait des signes de torture.
Ramirez Pineda est un sadique ! Il a été arrêté en Argentine et extradé vers le Chili.


Témoignage de Vanessa Klein
Fille de Jorge Klein et la Brésilienne Alice Vera Fausto. Psychiatre.
A mes 18 mois, ma mère rentre au Brésil. Quand on m’interroge sur mon père, je disais qu’il était « mort-disparu ». A mes 11 ans, ma mère fait une dépression, je me rends compte qu’elle attend toujours le retour de mon père. Elle doit entrer en centre médical mental, elle croit toujours que les militaires la poursuivent. En 1982, retourne au Chili pour rencontrer ses grands-père et des amis de la famille.

Ma mère se fait du souci pour moi parce que je suis ici : - Que vont-ils te faire ?
Mon grand-père meurt en 1989. Je reste 7 mois au Chili en 1990, c’est la fin de la dictature, pour être avec les gens, avec mes oncles et tantes.
Je suis allée à la Commission Rettig où j’ai appris ce qui était arrivé à mon père, que le 14 septembre, il était déjà mort… J’ai cru que je ne saurai jamais rien de lui. J’ai reçu le soutien de l’association PRAIS d’aide mentale.
A 18 ans, je demande une carte d’identité chilienne mais il faut l’autorisation des deux parents. Beaucoup de problèmes administratifs. Je retourne au Brésil, ma grand tante meurt. Ce n’est qu’en 1992 que l’administration accepte de me donner un document sur la « mort présumée » de mon père.
J’ATTENDS DE CE PROCES UN JUGEMENT, UNE DECISION, UN VERDICT QUI DETERMINE QU’IL Y A EU CRIME, pour ma vie, mon histoire, mes enfants.
Nous avons vu au Brésil, les effets dérisoires de l’amnistie…
SI ON OUBLIE, CELA SE RETOURNE CONTRE MA VIE ET CELLE DE MES ENFANTS…

Sur une question du Président :
Il n’y a pas d’autre mention du nom de mon père que celle dans le rapport Rettig. Le fils de Jimeno (disparu de La Moneda) m’a dit : - Va en France…
La juge Amanda Valdovinos m’a demandé une trace d’ADN et est allée au Brésil en 2009 prendre une trace de ma mère. Si on trouve des restes, même petits, on pourrait établir un fait.

Sur une question de Me Bourdon : (« c’est rare de la part d’un avocat, mais je remercie ma cliente… »)
Je sais maintenant beaucoup sur mon père par les gens au Brésil et au Chili. Il était charismatique, aimait discuter, sportif, charmeur, respecté par ses adversaires, aimait partager ses idées politiques et culturelles, très pro et très proche d’Allende.
Qu’est-ce que ce box des accusés change ? Je crois qu’après le verdict, nous devrons vivre avec cela, moi mais les assassins aussi. Leurs voisins, amis, enfants, petits enfants sauront ce qu’ils ont fait. Et moi aussi…
Lors du report du procès en 2008, j’ai eu peur que ce procès n’arrive jamais. J’ai cessé de communiquer pendant longtemps, cela m’a fait très mal.
JE SUIS HEUREUSE QUE CE PROCES AIT MAINTENANT LIEU…


Témoignage de René Bendit

Ami d’enfance de Klein, puis en politique et professionnellement.
Le témoin décrit leurs vies de jeunesse, puis d’études. Il montre des photos. Deux impacts pour les jeunes de l’époque : le coup d’Etat contre Juan Bosch en République Dominicaine en 1965 et le livre de Régis Debray sur le foquisme qui disait que la révolution n’était pas possible sans lutte armée. Klein disait que c’était une erreur. C’est pour cela qu’il a quitté le PS où ces idées avançaient et rejoint le PC qui, de l’avis même des militaires, était une force de stabilité au Chili, il cherchait le changement social par les élections.
Après l’élection d’Allende, Klein participe à la création du CENOP, Centre d’études sur l’opinion publique devant fournir des enquêtes, des analyses et des rapports au Président.

LA RECONSTRUCTION DE LA MEMOIRE EST TRES IMPORTANTE.
On ne peut envisager le futur sans assumer le passé. La moitié des Chiliens, toutes classes confondues, ne veulent rien savoir de la dictature… « Pour ne pas déstabiliser le pays… ».
Klein était toujours optimiste.

Lecture par le Président d’un extrait du livre « Pourquoi nous étions médecins du peuple », relatant la personnalité de Klein.

Déterminer les responsabilités
Ramirez Pineda : commandant du camp Tacna. Accusé d’avoir
- voulu exécuter les prisonniers de La Moneda dès leur arrivée ;
. autorisé la torture ;
- organisé leur départ vers le camp de Peldehue où ils ont été exécutés et enterrés, Klein parmi eux.
Pour sa défense, il déclare (août 2010 sur commission rogatoire française) que 1500 personnes sont passées par le camp puis transférés au Stade National ou libérés. Il ne connaît pas Klein. Aucun nom de prisonniers n’a été pris.
Rafael Ahumada Valderrama : selon un journaliste, il se serait porté volontaire pour réaliser l’exécution des prisonniers.
Brady Roche : à la fois chef de la garnison de Santiago et de la IIe Division d’Armée. Il était le chef et le coordinateur des opérations sur Santiago et aurait ordonné le transfert des prisonniers au Régiment Tacna.


Témoignage de Joan Garcés
Nationalité espagnole, juriste, conseiller personnel d’Allende.
Il décrit les événements du 11 tels qu’il les a vécus.
Deux conceptions s’affrontent : la force du droit, une conception de l’Etat de droit et une manière de vivre étaient mises en danger. Allende était imprégné du droit comme point d’ancrage de la société.
Fin août, Allende cherche un accord politique avec la DC.
Début septembre, on avertit Allende de mouvements de camions vers Santiago. Allende appelle Brady qui lui répond que ce sont des préparatifs pour un défilé. A 6h du matin du 11 septembre, Brady dit au Pésident qu’il va envoyer des troupes pour contrôler Valparaiso, prise par la Marine.
Brady a ainsi sciemment menti plusieurs fois à son président. SA RESPONSABILITE EST MAJEURE.
La haute magistrature de la Cour suprême a soutenu le coup d’Etat, ce qui est une négation absolue du droit car les citoyens n’avaient ni protection ni recours juridiques. Les Cours ont systématiquement rejeté les Habeas Corpus ce qui fermait les portes de la justice.

Je ne sais pas pourquoi je suis vivant, les choses de la vie…

Sur question de Me Bourdon :
L’affaire française n’aurait pas pu avoir lieu sans la justice espagnole ? C’est la coopération internationale au niveau du Droit international entre les justices espagnole et britannique qui a permis l’arrestation de Pnochet à Londres, ce qui a motivé le dépôt des plaintes en France dès octobre 1998. IL FAUT RENDRE LE DROIT INTERNATIONAL EFFECTIF !
Sur question de Me Sarfati :
Il n’y a pas de compétence personne passive (base du procès en France) en Espagne. Nous nous sommes basés sur des Conventions internationales : les faits se paraissent à un génocide, mais les groupes politiques ne sont pas inclus dans la définition. Nous avons alors utilisé la notion de « groupe national » qui, elle, si, existe, et les Convention contre la torture ainsi que contre le terrorisme pour monter notre dossier.

Sur question de Me Katz :
CE PROCES PARTICIPE AU DEVELOPPEMENT VIRTUEUX DU DROIT INTERNATIONAL.
Il y a eu des effets positifs de ce procès en Espagne, au Chili, en Grande Bretagne, en Belgique et en Suisse. Si j’étais avocat français, je serais sur les bancs des parties civiles.
PAS D’OUBLI POSSIBLE. CES MILLIERS DE VICTIMES CHILIENNES SONT ICI AVEC NOUS.
Lorsqu’Allende annonce un referendum populaire pour le 15 septembre aux militaires, ceux-ci et la droite savent qu’ils vont le perdre. Pinochet change de camp et le coup a lieu le 11…
Ils ont voulu EXTIRPER la République.


Témoignage de Paz Rojas

Neuropsychiatre, membre de l’équipe de santé d’Allende.
J’ai connu Klein à l’hôpital où nous travaillions tous les deux.
Lors du coup d’Etat, le général Palacios, chargé de l’attaque au Palais de La Moneda, a été blessé. Le docteur Gijon l’a soigné et le général a fait libérer tous les médecins présents dans La Moneda. Sauf trois : Enrique Paris et Coco Paredes qui ont affirmé ne pas être là comme médecin mais pour raisons politiques, et Klein qui a déclaré qu’ils n’avait pas ses papiers… Les 3 ont disparu.

Paz Rojas a organisé une consultation pour les gens qui avairent subi des tortures et pour des membres des familles qui recherchaient leurs disparus. Elle conte le récit de cette jeune fille brûlée partout par des cigarettes… Il y a 4 formes de tortures : physiques, psychologiques, sexuelles et biologiques.
Elle a dû quitter le Chili après un an vers la Suède et la France où elle ouvre un cabinet semblable. Des dizaines de Chiliens, Argentins, Uruguayens y concourent en état de désespoir.
« J’ai été beaucoup aidée par la CIMADE. Nous avons écrit plusieurs livres sur la torture et ses effets. »
J’ai rejoint le CODEPU. Les femmes de l’association des détenus-disparus (AFDD) et exécutés politiques (AFEP) manifestaient dans les rues avec des pancartes : « Vivants ils les ont pris, vivants nous les voulons », puis « Vérité et Justice », puis « Non à l’impunité ».

Pinochet est un assassin et un voleur. La vérité est essentielle pour construire les fonctions mentales. SANS VERITE ET SANS JUSTICE, C’EST L’IMPUNITE…
La torture continue dans le monde aujourd’hui. Le plus grave, c’est que des médecins, des collègues, cherchent le moyen pour que la torture ne laisse pas de traces.

Aucune des 2 Commissions (Rettig et Valech) n’est autorisée à donner le nom des tortionnaires. On a peu parlé des Mapuche du sud Chili. Ils ont été effroyablement torturés et les femmes violées, leurs maisons brûlées. Mais comme cela se faisait dans leurs maisons et non dans des prisons ou des centres de torture, leurs cas n’ont pas été répertoriés par ces commissions. Nous travaillons sur cela en ce moment.


REPRISE DU PROCES LUNDI 12 A 9h30 .

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SESSION DU 9 DECEMBRE 2010 
jeudi 9 décembre 2010, 11:55 PM
Session du jeudi 9 décembre 2010

Ce matin, continuation de la lecture de l’ordonnance de renvoi de es juges d’instruction. Lecture des histoires de Jorge Klein, Etienne Pesles, Alphonse Chanfreau et Jean-Yves Claudet. Avec à chaque fois, lecture du nom des militaires et des civils chiliens accusés des tortures et disparitions.

L’après-midi a été dédiée aux déclarations de « grands témoins » qui, par l’importance de leur personnalité, propulsent le débat au plus haut niveau. Il s’agit des interventions de Louis Joinet, Stéphane Hessel, Roger Le Loire et Magdalena Garcés.

LOUIS JOINET
Ancien Rapporteur des Nations unies sur l’impunité et a rempli de nombreuses missions de haut niveau pour la France et les Nations unies. Je cite ses paroles telles quelles :
« Il y a un rapport direct entre dictature et disparitions forcées … Il s’agit de garantir le non renouvellement de telles situations de répression… Ce fut un dur combat juridique que de pouvoir élaborer une Convention contre les disparitions forcées et de faire accepter que la disparition forcée est un crime contre l’humanité car il y a de grands théoriciens de l’organisation de l’oubli ! C’est la systématisation des disparitions qui fait le crime contre l’humanité…
C’est la naissance du concept de crime continu. Ce crime ne peut être élucidé que lorsqu’on connaît le destin du disparu ou lorsque l’on retrouve son corps. Sinon, on arrive à une nouvelle forme d’impunité.
Il faut distinguer le droit de savoir et le droit à la justice, pour que la mort d’un accusé n’arrête pas les recherches des restes du disparu.
LA VALEUR DE CE PROCES EST QU’IL A LIEU !

Il y avait un vide juridique car les juristes de l’autre camp disaient qu’il n’existait pas de législation sur les disparitions. La disparition forcée est un instrument de terreur destiné aux autres pour qu’ils n’entrent pas en opposition. La Convention internationale contre les disparitions forcées est le fruit du travail et des actions des familles et des ONG en plus de celui des juristes.
Il existe un nouveau concept, en français la « commandite », c’est-à-dire qu’il faut remonter aux donneurs d’ordre, à ceux qui savaient et n’ont rien dit ou rien fait pour arrêter ces crimes, identifier ces commandites et les associer au crime.

Le jugement en absence est un fait juridique français et donc son rejet n’est pas un argument recevable. Ne pas accepter ce procès en absence est une prime à l’impunité. Le texte de ce fait juridique doit être identique à un procès équitable. Ce l’est… De plus, cette procédure a été validée par la Convention européenne des droits de l’homme (affaire Batisti).


STEPHANE HESSEL
Je suis préoccupé par l’évolution lente du droit international mais ce procès est définitivement un pas en avant. Les crimes impunis pèsent sur la conscience internationale.
Sur une question de Me Bourdon : Rendre justice est essentiel pour les victimes mais le progrès et l’évolution du droit international sont essentiels pour les revendications de l’humanité. Ce tribunal fait partie de cette évolution.
Le box des accusés vide invalide-t-il le procès ? Pas du tout, s’il était plein cela signifierait que le droit international a bien progressé. Le box est vide mais la cause jugée ici est aussi importante que s’il était plein.


ROGER LE LOIRE
Juge instructeur des plaintes déposées par les familles en 1998.
M. Le Loire refait l’historique très détaillé des événements et du destin des 4 personnes disparues avec de nombreux détails inédits : échanges d’informations et de documents avec le juge chilien Juan Guzman, fuite de M. Kissinger lorsque le juge a demandé à l’entendre en tant que témoin sur le Plan Condor, etc…

MAGDALENA GARCES
Avocate du programme des droits humains du ministère de l’Intérieur du Chili.
Au Chili, il y a eu des progrès et des reculs importants. L’arrestation de Pinochet à Londres provoque des changements. De 1990 à 1998, la loi 2191 dite d’amnistie promulguée par le général Pinochet pour tous les crimes commis entre septembre 1973 et avril 1978, est systématiquement appliquée.
Mais en 1998, la Cour suprême annule un arrêt de la Cour martiale (justice militaire) et ordonne la poursuite d’une instruction. Il se dit que le Chili était en état de guerre et que donc il fallait appliquer les Conventions de Genève.
Vers 2004, la Cour suprême n’a pas appliqué la loi d’amnistie car elle considère que la disparition est un crime permanent tant qu’on ne connaît pas le destin du disparu.
A partir de 2007, la Cour supr^me commence à appliquer une mesure atténuante, celle de la demi-prescription. Cette procédure permet une importante baisse des peines, à tel point que des inculpés condamnés à 5 ans ne passent pas un seul jour en prison !

Au total, il y a eu 290 agents de l’Etat condamnés mais seuls 71 font de prison, càd 25 % !
La Cour suprême applique le droit international dans la condamnation mais laisse par le système de la demi-prescription, de nombreux condamnés en liberté comme sa « participation à la réconciliation », tout cela malgré le fait que le droit international rend ces types de crimes imprescriptibles.

Une grande dette de la justice chilienne est le fait qu’aucune enquête n’a visé les participants civils à la répression .
S’il faut respecter les traités internationaux, les Etats ne peuvent pas promulguer de lois d’autoamnistie. Or au Chili, si cette loi est peu appliquée de nos jours, elle est toujours en vigueur et pourrait être appliquée…

Voilà pour aujourd’hui.
Demain, la Cour étudiera le cas de Jorge Klein. Sa fille Vanessa a eu le courage de venir du Brésil pour assister au procès

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Tribunal : session du mercredi 8 décembre 2010 
mercredi 8 décembre 2010, 10:52 PM
SESSION DU MERCREDI 8 DECEMBRE 2010

Bonjour,
Mercredi neigeux à Paris. Ce matin s’est ouvert au Tribunal de Justice de Paris, le procès de 13 militaires chiliens et un argentin pour la disparition de Jorge Klein, Etienne Pesle, Alphonse Chanfreau et Jean-Yves Claudet lors du coup d’Etat de 1973 et pendant la répression qui l’a suivi.
Voici le rapport "brut" de cette première journée.

Le président du tribunal, le magistrat Hervé Stephan, a d’abord invité les 12 jurés à s’installer. Il a ensuite nommé les 14 personnes accusées des disparitions a demandé si l’une ou l’autre d’entre elles était présente dans la salle. Pas de réponse. Il a alors demandé si des avocats chargés de représenter les accusés étaient présents. Pas de réponse. Le président a alors décidé que le procès se ferait « par défaut », c’est-à-dire sans la présence des accusés ou de leurs représentants, ce qui lui permettait de libérer les jurés qui ont pu rentrer chez eux.
L'avocat général, Me Pierre Kramer, s'est montré d'accord avec cette procédure.

Le président fait ensuite la constitution des parties civiles. Me Sophie Thonon , en plus de représenter FAL, l’association France Amérique latine, est l’avocate de la famille Claudet.
Me William Bourdon représente Roberto et Anita Pesle, respectivement frère et sœur d’Etienne Pesle, ainsi que Vanessa Klein. Il représente aussi Natalia Chanfreau et Erika Henning, fille et épouse d’Alphonse Chanfreau, ainsi que Bernard, Valérie, Denise et Alexandre, famille, nièce et neveu de Chanfreau.
Me Claude Katz représente la FIDH (Fédérations internationale des Ligues des droits de l’homme) et la LDH, Ligue des droits de l’homme, la section française de la FIDH.
Me Benjamin Serfati représente l’association chilienne CODEPU, membre chilien de la FIDH.
Est aussi représentée, l’Aexppfrance, l’association des ex prisonniers politiques chiliens en France.

Le président fait ensuite l’appel des personnes qui ont été citées à témoigner. Il y a 42 témoins dont plusieurs n’ont pas pu se libérer, d’autres non pas répondu et une vingtaine sont présents dans la salle.
Le président annonce alors comment se déroulera le procès. Aujourd’hui mercredi 8 décembre et jeudi 9 au matin, il sera procédé à la lecture de l’ordonnance de renvoi, c’est-à-dire à l’acte d’accusation rédigé par les juges Roger Le Loire et Sophie Clément.
Jeudi après-midi, les témoins de contexte viendront présenter le contexte dans lequel se sont déroulés les événements ayant conduit aux quatre disparitions. La Cour entendra Louis Joinet, Stephane Hessel, Roger Le Loire, Magdalena Garcés, Joan Garcés, Martin Almada et Miguel Rebolledo.
Vendredi 10 (cas Klein) , la Cour entendra les parties civiles puis les témoins Isabelle Ropert, René Bendit, Paz Rojas et Joan Garcés.
Lundi 13 (cas Pesle) : les parties civiles puis M. Herrera Navarrete, Mario Nahuelpan Pascual, Roberto Garreton et Neponucemo Paillalef.
Mardi 14 (cas Chanfreau) : les parties civiles puis Cristian Van Yurick et Miguel Rebolledo.
Mercredi 15 (cas Claudet) : les parties civiles et des témoins.

Le reste de la journée de mercredi s’est passé à lire l’acte d’accusation. Les personnes qui ont acquis mon livre possèdent un excellent résumé de cette lecture qui a duré de 14h à 18h45. Les textes sur ce blog sont inspirés du livre.
Le président du tribunal nous a donné rendez-vous demain jeudi à 9h30.
Jac Forton

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Déclarations publiques des associations Aexppfrance et FAL 
mercredi 1 décembre 2010, 02:02 PM
Déclaration publique de l'Association des Ex prisonniers politiques chiliens en France
Après douze années d’instruction et d’interminables démarches judiciaires, administratives et diplomatiques, la justice française poursuivra en justice au Tribunal de Grande Instance de Paris, entre le 8 et le 17 décembre, quatorze représentants de la dictature militaire chilienne (1973-1990).
Ce procès est le fruit de la volonté acharnée, maintenue sans failles durant plus de trente ans, des familles des victimes qui n’ont jamais obtenu justice au Chili où la loi d’Amnistie n’a jamais été abrogée. Les associations qui se sont constituées parties civiles, dont la nôtre, se veulent un soutien et une caisse de résonance pour rendre sa véritable importance à cette démarche de recherche de vérité et justice élémentaires.
Les accusés mis en examen sont, d’une part, de hauts officiers des forces armées et de la police de Pinochet et un ex-officier argentin, hommes de main du régime et, d’autre part, des civils acteurs ou complices de crimes. Dans leur ensemble, ils n’ont pas reconnu le droit des tribunaux français de les juger pour des crimes commis contre des citoyens français, raison pour laquelle ils seront jugés en absence.
Responsable de la disparition et de l’exécution sommaire de plusieurs milliers de Chiliens, le régime du Général Pinochet est cette fois-ci spécifiquement accusé par la justice française de l’arrestation-disparition de quatre citoyens français : Jean-Yves Claudet, Alfonso Chanfreau, Georges Klein et Etienne Pesle.
Bien qu’il ne s’agisse que de quatre cas parmi d’innombrables autres victimes, ce procès illustre l’absolue nécessité de juger ces crimes et de permettre à la justice, même hors de frontières chiliennes, de s’exercer de façon libre, indépendante des pressions et des intérêts politiques.
Notre association appelle l’opinion publique française à s’intéresser et à suivre ce procès, extraordinaire à plus d’un titre. Nous appelons aussi nos concitoyens chiliens vivant en France ou ailleurs à se joindre à nous pour apporter leur soutien aux familles des victimes.
Paris, le 15 novembre 2010

Aexppfrance@hotmail.com
Site : chiliveriteetmemoire.org


Déclaration publique de FAL
Il y a 40 ans, France Amérique Latine naissait de l’engouement international provoqué par l’Unité Populaire chilienne qui voyait l’accession de Salvador Allende au gouvernement et le début d’un large processus de mobilisation en faveur d’un socialisme démocratique.
Quelques mille jours plus tard, le Coup d’État s’abattait sur le Chili, théâtre d’une répression sanglante et d’atteinte aux droits humains sans précédent.
FAL est toujours restée fidèle au Peuple chilien et s’est donc constituée partie civile, représentée par sa Présidente déléguée, Maître Sophie Thonon, pour le procès que la France ouvrira le 8 décembre à Paris contre 14 membres ou collaborateurs éminents de la dictature chilienne pour la détention et disparition de 4 franco-chiliens, Alphonse CHANFREAU, Jean-Yves CLAUDET, Georges KLEIN et Etienne PESLE.
Après l’arrestation de Pinochet à Londres, en Angleterre, grâce à l’action entreprise par le juge espagnol Balthazar Garzon, et le procès en cours à Rome contre Alfonso Podlech, responsable de la disparition d’un Italien, ce sera la troisième action judiciaire internationale contre des responsables d’un terrorisme d’état.
Nous appelons tous nos militants et le public en général à suivre de près ce jugement et à participer aux activités qui seront organisées en collaboration avec les autres associations parties civiles, pour l’établissement de la Vérité, la condamnation des coupables et la mise en place d’une jurisprudence internationale.
Une soirée de restitution du procés aura lieu le vendredi 17 décembre à Paris, Mairie du 3ème arrondissement.

Le Bureau de France Amérique Latine
Paris le 24 novembre 2010

direction@franceameriquelatine.fr
Site : franceameriquelatine.org



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Pourquoi il faut lutter contre l'oubli et l'impunité 
mercredi 1 décembre 2010, 12:11 PM
Pourquoi il faut lutter contre l’oubli et l'impunité

Pour Louis Joinet [Rapporteur de la Sous-Commission des droits de l’homme des Nations unies relative aux questions d’impunité des auteurs des violations systématiques des droits humains civils et politiques], la lutte contre l’impunité se base sur quatre principes fondamentaux.
Le droit à la vérité sur le sort des victimes et sur l’histoire de son pays est un droit pour les citoyens et un devoir de mémoire pour l’Etat. Le droit international fait obligation aux Etats qui ont ratifié les textes protecteurs des droits humains d’enquêter sur la violation de ces droits.
Le droit à la justice : toute victime doit avoir la possibilité de faire valoir son droit à un recours équitable et efficace, qui mène à une sanction juridique de son oppresseur. Un procès même symbolique permet aux victimes d’être reconnues en tant que telles et de rendre inacceptable le sentiment et la volonté d’impunité des bourreaux. Si l’oppresseur est malade ou vieux, on pourrait dire que la sanction est moins importante en soi que la symbolique du procès. Dans le cas Pinochet, il importait peu que le vieillard Pinochet, 93 ans, fasse de la prison ou pas. Il importait grandement que le dictateur Pinochet fut jugé et condamné pour les crimes contre l’humanité commis par son régime.
Un devoir de réparation envers les victimes et leurs familles est inclus dans de nombreux textes internationaux ou régionaux. La réparation doit consister en une pleine restitution des droits à la situation antérieure, une réparation par rapport aux conséquences et une indemnisation des dommages y compris le préjudice moral.
La reconstruction de l’Etat de droit : l’expérience mondiale de l’impunité montre qu’elle rend impossible la (re)construction d’un Etat de droit vraiment démocratique et suppose un recul juridique de l’Etat de droit. La grande leçon est que dorénavant, les dictateurs militaires ou civils et leurs agents pourront vraiment être traduits en justice pour des crimes contre l’humanité, où que ce soit dans le monde, et qu’ils le savent.

La réconciliation
A ceux qui seraient tentés de considérer que des principes de justice pourraient constituer une entrave à la réconciliation nationale et que la réconciliation serait mise en danger par la justice, Louis Joinet répond : « ces principes ne constituent pas des normes juridiques strictu sensu mais des principes directeurs destinés, non à tenir en échec la réconciliation, mais à endiguer les dérives de certaines politiques de réconciliation afin que, passée la première étape faîte de conciliations plutôt que de réconciliation, l’on puisse construire le socle d’une réconciliation juste et durable. Pour pouvoir tourner la page, encore faut-il l’avoir lue ! La lutte contre l’impunité n’est pas qu’une question juridique et politique ; sa dimension éthique est trop souvent oubliée» [Dans le Rapport final sur l’Administration de la Justice et les droits des détenus, question de l’impunité des auteurs des violations des droits civils et politiques, rapport n° 1996/119 de la Sous-Commission des Droits de l’Homme, publié le 2 octobre 1997, document E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1 des Nations unies. Document diffusé par l’Equipe Nizkor-Espagne.]
En effet, au nom de la réconciliation, c’est trop souvent aux victimes de montrer de la bonne volonté. N’oublions pas que, au Chili, la droite politique actuelle dont la très grande majorité des membres a été fermement pinochétiste durant la dictature, n’a jamais reconnu les violations aux droits humains, les justifie ou fait semblant de croire que ce furent des excès.
Des pinochétistes notoires ont été nommés à des postes administratifs importants par le président Sebastián Piñera en 2009 et 2010…

La lutte contre l'impunité et l'oubli doit continuer.

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